Guinée : bien se préparer aux élections présidentielles

À l’approche de l’élection présidentielle du 28 décembre, la Guinée s’engage dans une phase politique déterminante, héritée du coup d’État de 2021 et marquée par une transition prolongée, une opposition affaiblie et un contrôle étroit des institutions par les autorités actuelles. Dans cet épisode, Marc-Antoine Le Goff, Expert Sûreté Senior chez International SOS, revient sur les enseignements de sa mission d’évaluation pré-électorale menée sur le terrain.
Il analyse les dynamiques politiques, les dispositifs sécuritaires déployés, les risques opérationnels liés à la campagne et au scrutin, ainsi que les scénarios post-électoraux les plus probables. Un éclairage concret destiné aux entreprises et organisations présentes en Guinée, pour lesquelles l’anticipation, la préparation et la gestion du risque humain et opérationnel sont essentielles dans un contexte sous haute surveillance.
Découvrez les analyses et conseils d'experts de Marc-Antoine, et rejoignez nos experts sûreté lors d'un webinar sur les différents enjeux sécuritaires de 2026.
Webinar • 13 janvier 2026
Effectivement, j’y suis allé dans le cadre d’une mission d’évaluation pré-électorale visant à analyser l’environnement politique et sécuritaire du pays, afin de mettre à jour notre planification opérationnelle et échanger avec nos clients sur place. J’ai eu l’occasion de rencontrer différents acteurs : les fonctions sûreté de nos clients, des conseillers sûreté d’ambassade, les directions sûreté d’hôtels que j’ai eu l’occasion d’auditer, ainsi que nos partenaires sûreté et logistiques locaux.
Absolument. Tout part à l’origine du coup d’État du 5 septembre 2021, lorsque le colonel Mamadi Doumbouya, alors chef des forces spéciales, a renversé le président Alpha Condé. La junte, le CNRD, avait promis un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Mais les délais ont été repoussés : d’abord jusqu’en 2024, puis jusqu’en 2025. En mai 2025, le Premier ministre Amadou Bah Oury a annoncé que les élections législatives et présidentielles se tiendraient en décembre, après un référendum constitutionnel organisé le 21 septembre. Ce référendum, approuvé à 89 %, a ouvert la voie à une nouvelle Constitution autorisant le général Doumbouya à se présenter et portant le mandat présidentiel à sept ans renouvelables une fois.
Il faut savoir que le tableau des élections est clairement en faveur du président de la transition et ce pour plusieurs raisons :
La Cour suprême a validé neuf candidats, dont le général Doumbouya en indépendant. Parmi les autres : Makalé Camara, Faya Lansana Millimouno leader du bloc libéral, Abdoulaye Baldé, Aboubacar Sylla.
Mais l’absence des grandes figures historiques de l’opposition est criante : Cellou Dalein Diallo (UFDG), Sidya Touré (UFR), Alpha Condé (RPG), et d’autres sont soit en exil, soit interdits de candidature, soit assignés en résidence surveillée. Les principaux partis qui les portaient et qui ont façonné le paysage politique guinéen des 15 dernières années – UFDG, RPG, UFR et autres – ont été soit dissous, soit suspendus pour « activités subversives », quand ils n’ont pas été profondément affaiblis par des scissions et des poursuites judiciaires.
Face à ce qu’elle qualifie de « simulacre », l’opposition restante, appelle donc au boycott du scrutin.
La campagne, court jusqu'au 25 décembre, une période courte, intense, avec un plafond de dépenses à 40 milliards GNF/ (4 millions d'Euros) et une caution de 900 millions GNF /(90 000 euros par candidat). À Conakry, les soutiens de Doumbouya ont envahi la presqu'ile de Kaloum dès le premier jour avec véhicules sonorisés et podiums géants. Mais jusqu’ici peu de débats enflammés, ces derniers restent plutôt focalisés sur la paix et l'unité nationale.
Parmi les enjeux que nous suivons de près, il convient de noter les menaces directes contre les acteurs politiques, comme l’enlèvement récent du directeur adjoint de campagne du Bloc Libéral le 3 décembre dernier, qui alimente un climat d’insécurité pour les candidats de l’opposition. Il y a aussi le spectre de grèves sociales massives, avec les syndicats mobilisés contre la vie chère, qui pourraient perturber les meetings et les déplacements, comme l’a averti le gouvernement avant même le lancement de la campagne. Enfin, à une autre échelle les tensions ethniques latentes risquent de s’exacerber via des discours de haine en ligne, amplifiés par la désinformation, rendant le contrôle des foules plus précaire.
Absolument, et c’est un risque réel, même si pour l’instant les signes concrets restent limités en Guinée par rapport à d’autres scrutins en Afrique de l’Ouest. Depuis le référendum de septembre, on observe déjà un désordre informationnel : audios manipulés, rumeurs sur TikTok, WhatsApp ou X, visant à discréditer les institutions ou amplifier les divisions ethniques.
Concernant les ingérences étrangères, rien n’indique une opération sophistiquée à ce jour. Cependant, le contexte géopolitique et économique du pays – notamment ses ressources minières stratégiques et ses relations avec certains partenaires – fait craindre des influences discrètes ou indirectes par certains acteurs tels que la Russie ou la Chine.
L’opposition est aujourd’hui fragmentée, affaiblie et incapable de se mobiliser efficacement. Les élections législatives et communales sont prévues pour le premier semestre 2026. À l’origine, trois scrutins devaient être organisés ensemble, mais les autorités ont choisi de les autofinancer sans bailleurs internationaux. Cela signifie qu’il n’y aura pas d’observateurs internationaux, et cela soulève fatalement des inquiétudes sur la transparence. Les contraintes budgétaires pourraient aussi retarder, compromettre le processus ou alimenter une certaine gronde populaire. Pour autant, une déstabilisation à grande échelle paraît peu probable, compte tenu du contrôle strict du régime et de la fragmentation de l’opposition. En cas de troubles, ceux-ci seraient très rapidement contenus et réprimés par la force par les autorités.
Et elle l’est en grande partie. Les 45 000 hommes mobilisés pour sécuriser le vote sont placés sous le commandement direct d’officiers loyaux au chef de l’État. Le fichier électoral biométrique des 6.7M d’électeurs est géré par une société proche du palais. Et la nouvelle Constitution ne prévoit aucun quorum de participation : donc même avec une faible mobilisation, le résultat sera valide. Dans ce contexte, la plupart des analystes anticipent une victoire confortable du général Doumbouya et ce dès le premier tour.
Juridiquement, elles marquent la fin de la transition. Mais dans les faits, on entre dans un régime hybride où l’institution militaire conserve une influence prépondérante. Les préfets et gouverneurs sont en uniforme, le budget défense est en forte hausse, et l’opposition est fragmentée. Cela dit, il faut reconnaître quelques éléments positifs :
En résumé, ce n’est pas la démocratie pluraliste espérée, mais ce n’est pas non plus le chaos craint par certains.
Et bien dans ce contexte électoral, nous recommandons aux responsables:
Nous recommanderons à minima de minimiser les déplacements, d’éviter tous rassemblements et lieux sensibles (Centres de votes, QG de partis, zones de manifestation habituelles tels que, dans la capitale, les ronds-points Hamdallaye sur la route Leprince, Bambeto et les quartiers populaires environnants), de faire preuve d’une vigilance renforcée le jour du scrutin et dans les jours qui suivront l’annonce des résultats, en particulier en milieu urbain.
Il faudra s’attendre à une présence sécuritaire renforcée le jour du scrutin et dans les jours suivant l’annonce des résultats, en particulier en milieu urbain. Si jamais il devait y avoir un second tour, ce qui semble extrêmement peu probable, celui-ci aurait devrait avoir lieu à la mi-janvier.