SkipToContent
HeaderPhoneNumberLabel+1 215 942 8226
Espace membres
LanguageSelector
SelectLabel
ShoppingCart
eShop
fontaine cameroun

Cameroun : les risques sécuritaires liés à l'élection présidentielle

écouter le podcast
Ribbon

LES RISQUES SÉCURITAIRES LIÉS À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

À l’approche des prochaines élections présidentielles, le Cameroun traverse une période de forte attention politique, marquée par des tensions croissantes, la circulation d’informations contradictoires et la crainte d’éventuels troubles.

Dans cet épisode, Clémence Perrot, chargée de sûreté, dresse un état des lieux du contexte politique actuel, évoque les principaux enjeux sécuritaires liés au scrutin et partage les observations issues de sa mission au Cameroun.

Une analyse précieuse pour les acteurs économiques et institutionnels opérant dans un environnement où la stabilité demeure fragile et où la préparation devient un atout stratégique.

Quel est le contexte dans lequel vont se dérouler ces élections ?  

Paul Biya, âgé de 92 ans, qui est au pouvoir depuis 1982, a annoncé sa candidature le 13 juillet dernier pour un huitième mandat. Au Cameroun, les mandats présidentiels durent sept ans et la limitation des mandats a été supprimée en 2008 par un vote parlementaire. 

Les élections sous son administration ont été entachées d'accusations de fraude et de répression des électeurs, avec un système électoral favorisant le RDPC, Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, en raison de son emprise sur les institutions politiques. Les partis d'opposition sont confrontés à des obstacles systémiques, notamment juridiques. Cela a renforcé la répression de l’opposition observée pendant les élections présidentielles de 2018 et l’interdiction des manifestations en 2020. 

Il y a aussi un vrai sujet d’inquiétude autour de l’âge de Paul Biya, il est rarement, si ce n’est jamais, vu en public : il n’a par exemple pas présidé le Conseil des Ministres depuis mars 2018. Par ailleurs, son parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), n’a pas tenu de congrès depuis 2011. La gouvernance repose en fait sur une présidence déléguée, confiée à un haut fonctionnaire disposant de larges prérogatives, ce qui alimente beaucoup de spéculations et de luttes de clans. 

La santé du président reste un sujet tabou : toute discussion publique est interdite. L’état impose un narratif officiel de stabilité, alors que la situation socio-économique du pays est en réalité critique, avec un chômage important, de 74% chez les jeunes, ainsi qu’une économie affaiblie par la corruption et la mauvaise gestion des crises.  

À ce sujet, notre analyste du Cameroun a rédigé un rapport détaillé sur l’après-Biya. 

 

Les questions d’instabilité politique et de succession sont donc au cœur de cette campagne. Ces élections sont d’autant plus cruciales que le Cameroun fait face à plusieurs crises humanitaires et sécuritaires. Pouvez-vous nous en dire plus ? 


3 grandes crises traversent le Cameroun :  

  • La première est la « crise anglophone ». Depuis 2016, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, se sentant marginalisées par l’État central, francophone, sont devenues le théâtre d’un conflit séparatiste, qui revendiquent la création d’un État indépendant appelé « Ambazonie », et l’armée camerounaise. Ce conflit a entraîné d’importantes destructions et causé de nombreuses victimes civiles.
  • La deuxième crise provient de la République Centrafricaine, où depuis 2014 la prise de pouvoir par la coalition rebelle Séléka a entraîné des violences ethniques et politiques persistantes. Cette instabilité a provoqué un afflux massif de réfugiés centrafricains vers le Cameroun.
  • Enfin, la troisième crise touche l’Extrême-Nord du pays, frappé par l’insurrection de Boko Haram. Malgré certains succès des forces de sécurité camerounaises, les attaques visant les civils se poursuivent et la menace terroriste reste élevée. 

En somme, ces élections sont cruciales non seulement pour le Cameroun mais aussi pour la stabilité régionale, car le futur président devra coopérer étroitement avec ses voisins, comme le Nigeria et le Tchad, pour contenir ces menaces. 

Dans ce contexte de crise, quelle est l’atmosphère générale à l’approche des élections ? Comment fonctionne le processus électoral ?  

 

Comme évoqué précédemment, les crises restent largement invisibilisées par le régime, tandis qu’une jeunesse n’ayant connu que Paul Biya semble en partie résignée. Pourtant, une mobilisation significative s’est constituée autour de Maurice Kamto, avocat de formation et leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Arrivé deuxième à la présidentielle de 2018, il est considéré comme le principal rival du président sortant. Mais fin juillet, sa candidature sous la bannière du MANIDEM a été invalidée par le Conseil constitutionnel, son parti ayant été accusé d’avoir soumis deux noms de candidats pour le scrutin présidentiel. Beaucoup interprètent cette décision comme une manœuvre politique visant à saper sa candidature. Les recours juridiques ont échoué et les manifestations de soutien devant le Conseil constitutionnel ont été rapidement dispersées à coups de gaz lacrymogènes. La répression des manifestations est profondément enracinée dans l’histoire politique du pays : arrestations arbitraires, intimidations, opposition muselée… tout est fait pour limiter la mobilisation.  

Sur le plan électoral, plusieurs partis ont annoncé leur intention de participer, mais sur 83 candidatures déposées, seules 12 ont été validées par la Commission électorale (Elecam). Les rejets sont officiellement motivés par des irrégularités administratives mais Elecam et le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le président, sont régulièrement accusés de partialité et d’opacité.  

 

La désinformation, étant récurrente dans les élections , représente-t-elle également un risque pour la présidentielle camerounaise ?  


Effectivement, la désinformation représente un risque majeur pour ce scrutin. On a déjà vu circuler des rumeurs sur la mort du président ou encore le piratage de médias officiels. La Russie pourrait jouer un rôle actif, notamment via la chaîne Afrique Média, basée à Douala, connue pour relayer des narratifs pro-russes : discours anti-occidentaux, anti-ONU et favorables au maintien de Paul Biya. Le Cameroun fait partie des cibles prioritaires des campagnes d’influence de Moscou en Afrique. Ces campagnes visent à affaiblir les institutions démocratiques, discréditer les oppositions perçues comme pro-occidentales et consolider des régimes alliés. Durant la campagne, ces efforts pourraient s’intensifier avec un objectif clair : polariser l’opinion et fragiliser le processus électoral.  

A ce stade, quel est le scénario le plus probable selon nos analyses ? Peut-on imaginer une fin du règne de Paul Biya à la manière du coup d’État qui a eu lieu au Gabon en août 2023 ? 

 

Non, un scénario à la gabonaise reste très improbable. Les forces de sécurité sont historiquement loyales à Paul Biya, depuis le coup d’État manqué de 1984, et cette loyauté est renforcée par un système de « coup-proofing » combinant nominations ethno-politiques, contrôle direct et surveillance interne. La chaîne de commandement reste donc strictement sous contrôle du président, ce qui limite fortement le risque d’un coup d’État. 

Même si une autre figure d’opposition majeure émerge ou si les partisans de Maurice Kamto parviennent à se rassembler dans les urnes, l’emprise du RDPC sur les institutions politiques et judiciaires rend très probable la victoire de Biya. Dans un scrutin à un seul tour, les voix dispersées de l’opposition jouent en sa faveur. 

Si la défaite de Biya est peu probable, on peut cependant s’attendre à des manifestations avant le jour du scrutin et autour de l’annonce des résultats. La forte mobilisation suscitée par l’exclusion de Kamto pourrait entraîner des affrontements et des arrestations massives, comme en 2018. On peut imaginer que le gouvernement déploie de façon préventive des forces de sécurité dans les grandes villes, restreigne l’accès à Internet pour freiner l’organisation de l’opposition et mette en place des couvre-feux. 

 

Dans ce contexte, quelles sont tes recommandations pour les prochaines semaines ? Quelles mesures doivent être mises en place par les managers ayant du personnel au Cameroun ?  

 
La campagne officielle débutera le 27 septembre. Il convient de rester vigilant et de suivre les développements politiques et sécuritaires, d’éviter tout rassemblement (bureaux d’ELECAM, les QG des partis ou les zones de manifestation habituelles), même si globalement on s’attend à ce que la situation reste relativement stable étant donné le verrouillage opéré.  

Les managers au Cameroun doivent : 

  • Anticiper différents scénarios et leurs impacts sur les personnes, les biens et les opérations, afin de protéger le personnel et d’assurer la continuité des activités.
  • Reporter les déplacements non essentiels entre le 7 et le 17 octobre par mesure de précaution.
  • Identifier le personnel essentiel et non essentiel, et maintenir un registre précis de leur localisation et coordonnées (POB ou manifeste).
  • Maintenir des moyens de communication fiables et multiples, avec des contacts d’urgence disponibles sur papier et électroniquement, pour pallier toute restriction d’accès à Internet.
  • Mettre en place des plans de contingence en cas de troubles importants, incluant télétravail, relocalisation ou évacuation.
  • S’assurer que le personnel dispose d’eau et de vivres non périssables pour tenir une posture de confinement jusqu’à 72 heures si nécessaire. 

Concernant les expatriés, il est important de : 

  • Prévoir un renforcement de la sécurité à Yaoundé et dans d’autres centres urbains, y compris Douala (région du Littoral), pendant la période électorale. Cela est particulièrement probable en soirée et peut inclure des contrôles ponctuels effectués par les forces de sécurité. 
  • Prévoir des perturbations des déplacements le jour des élections. Les citoyens locaux souhaitant voter doivent reconfirmer les procédures de vote, y compris leur lieu de vote, et se munir des documents d’identification appropriés.
  • Éviter tout rassemblement politique afin de réduire le risque d’exposition à des troubles. Quitter les lieux dès le premier signe d’agitation et rejoignez un endroit sûr, comme un bureau ou le lieu d’hébergement, lorsque cela est possible. Contacter les interlocuteurs locaux pour obtenir des informations sur les événements prévus à proximité.
  • Garder une pièce d’identité et autres documents importants, tels que les visas, à tout moment.
  • Les réseaux de télécommunications, y compris les services Internet, peuvent être interrompus à court préavis. Assurez-vous d’avoir des moyens de communication alternatifs. Conserver une liste de contacts d’urgence, à la fois électroniques et sur papier.
  • Suivre régulièrement les alertes sécuritaires International SOS pour bénéficier de conseils actualisés à l’approche de l’élection. 

CONTACTEZ-NOUS